lundi 17 octobre 2022, par Pascal YE
Jeune leader politique burkinabè, Aziz Dabo est actuellement le vice-président de la Nouvelle alliance du Faso (NAFA). Dans l’interview qu’il nous a accordée, il partage son expérience de la politique ainsi que son analyse de la situation socio-politique au Burkina Faso.
Jeunesdufaso.net : Parlez-nous de vos débuts dans l’univers politique ainsi que des motivations de votre engagement.
Aziz Dabo : Avant tout propos, je précise que j’ai toujours été très présent dans les activités de jeunesse et j’ai vite vu les limites de l’engagement associatif. Car pour impacter considérablement, il est important de prendre part aux milieux décisionnels. Outre ce facteur, le microscope politique a bercé ma vie, car mon père y est présent depuis 1978. Mais c’est en 2014, après l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre, qu’un nouveau projet politique mettant en avant la jeunesse m’a véritablement motivé à m’y engager pour la première fois. C’est ainsi que j’ai d’abord été secrétaire national adjoint chargé des relations extérieures au sein de la Nouvelle alliance du Faso (NAFA) en 2015, puis vice-président et porte-parole en 2018. Depuis 2021, j’occupe le poste de vice-président chargé des questions d’employabilité de la jeunesse.
En tant que vice-président de votre parti, comment travaillez-vous à emmener d’autres jeunes à suivre vos pas ?
Je considère la politique comme un engagement citoyen qui vient compléter nos activités socio-professionnelles, et d’ailleurs mon mot préféré est « Agir ». Parallèlement à la politique, je suis très actif dans le milieu social. De ce fait, la démarche que j’adopte pour encourager et inciter d’autres jeunes à s’engager, c’est non seulement à travers mes actions sur le terrain, mais aussi à travers mes différentes prises de position qui démontrent ma vision. Il y a également ma participation aux œuvres sociales et aux initiatives citoyennes de la cité. Je pense que c’est à travers les actes que nous posons au quotidien au sein de notre communauté que nous devenons des modèles pour nos pairs. Je sensibilise la jeunesse en lui faisant comprendre que la vie d’un jeune sur terre ne doit pas être du tourisme, mais doit être utile afin d’impacter considérablement son environnement.
Est-ce difficile d’être jeune et politicien au Burkina Faso ? Y a-t-il de place pour les jeunes, selon vous ?
L’engagement politique est complexe pour la jeunesse, car un leader politique au Burkina Faso est perçu comme une caisse sociale. Les priorités des jeunes sont les études, la quête d’un emploi et une stabilité au sein de la société ; ce qui rend difficile la réponse aux sollicitations diverses. De plus, les campagnes électorales sont des moments de démonstration de fortunes diverses. La jeunesse se voit donc confrontée à des difficultés sur le terrain non pas par manque d’arguments ou de vision, mais plus par manque de moyens financiers. C’est une sorte d’exclusion en politique qui ne dit pas son nom, malgré le fait qu’il y ait de la place pour les jeunes au Burkina. Pourtant, ce sont eux qui animent les partis politiques et leurs actions ont toujours été déterminantes dans l’histoire de notre pays.
En outre, bien que la politique ait parfois montré un visage de violence et de haine - ce qui pourrait aussi être un frein pour certains -, les jeunes ont la possibilité d’apprendre aux côtés des aînés et ainsi briller dans le domaine afin d’être une relève efficace et efficiente. Norbert Zongo disait à cet effet que « la parole s’arrache ». Jeunes, arrachons nos places. Le contexte actuel fait appel à une responsabilité collective de la jeunesse et nous devons rester mobilisés pour prendre part aux instances de décisions.
Quelles leçons retenez-vous de votre jeune carrière politique ?
Ma jeune carrière politique, de mon avis, a été assez mouvementée. Comme vous le savez, la situation socio-politique du Burkina Faso connaît de nombreux rebondissements au point où, si jeune, j’ai déjà connu trois coups d’Etat. En dépit de tout, m’engager en politique a été un grand apprentissage et cela m’a davantage forgé, je suis encore plus résilient car en politique, les acteurs ne se font point de cadeaux. A travers ma position dans le parti, j’ai pu me former politiquement, fréquenter certains milieux et gagner en expérience aux côtés des aînés. Tout cela constitue une richesse parce qu’en politique, il y a rarement des générations spontanées. La politique m’a également permis de connaître l’humain sous plusieurs facettes et d’apprécier combien les intérêts peuvent guider des pas.
Quels conseils pouvez-vous donner aux jeunes qui s’engagent mais qui sont très vite déçus de la politique ?
On peut être très vite déçu quand on ne sait pas d’où l’on vient, ce que l’on veut et où l’on va. Nous avons eu des moments de déception, de trahison, mais il faut persévérer et accepter de mieux se former politiquement afin de se préparer à affronter avec plus de lucidité certaines situations. Pour certains, la politique serait un raccourci pour accéder à des responsabilités ou s’enrichir, donc ils sont vite désillusionnés et déçus car il y a aussi des hauts et des bas. De plus, si vous n’êtes pas convaincu de vos idées, cela s’avérera difficile. Battez-vous pour vos convictions, respectez vos aînés et vos adversaires, car cela vous sera utile pour votre future carrière.
Quel est votre regard sur les récents évènements politiques au Burkina Faso ?
Lors d’une interview accordée à un organe de presse, le 22 février dernier, soit un mois après le coup d’état du 24 janvier 2022, je disais que l’état de grâce que le régime Kaboré a eu pourrait ne pas être le même pour un régime militaire. Les attentes des populations sont actuellement très grandes. Nous avons de nombreuses zones en insécurité totale où toute vie et toute économie sont quasi-impossibles. Il y a aussi des millions de personnes déplacées internes, des écoles fermées et une insécurité alimentaire.
L’avènement de militaires au pouvoir a donc suscité des espoirs de lendemains meilleurs. Les populations s’attendaient à ce que, très vite, les militaires engrangent des victoires en libérant les territoires occupés, en dégageant les routes pour permettre à ces déplacées de regagner leurs domiciles et permettre la reprise de leurs activités. Malheureusement, nous avons eu l’impression que le cancer de l’insécurité s’est métastasé davantage avec aussi des tensions internes au sein de l’armée. Ce cocktail de problèmes aurait à mon avis facilité l’avènement d’un nouveau coup de force.
Avez-vous un dernier message ?
Jeunes, engagez-vous. Si nous souhaitons apporter les changements majeurs, il faut être parmi les décideurs politiques. La jeunesse doit oser et y croire. Koffi Annan disait : « On n’est jamais trop jeune pour diriger ».
Et nous devons aussi travailler ensemble à atteindre nos objectifs. J’aime bien cette citation de Henry Ford : « Se réunir est un début, rester ensemble est un progrès et travailler ensemble, c’est la réussite ». Je crois tellement en la jeunesse de mon pays car il y a tellement de potentiel. J’invite à une utilisation responsable des réseaux sociaux en vue d’être utile et productif à la communauté. Pour terminer, j’aimerais demander aux jeunes de s’éloigner de la violence et de la haine gratuite. Que chaque jeune contribue au développement de son pays en soutenant nos forces de défense et de sécurité ainsi que nos volontaires pour la défense de la patrie, car ils en ont besoin plus que jamais. Nous n’avons qu’un seul pays. Dieu bénisse le Burkina Faso !
Interview réalisée par Farida Thiombiano