Il est midi au niveau du carrefour du quartier 1200 logement quand Ferdinand Sawadogo s’active à accoster les usagers de la route. Ferdinand vend du citron conditionné dans des emballages plastiques. Lorsque le feu tricolore est au rouge, c’est le moment pour lui de proposer ses agrumes aux potentiels clients.
L’adolescent d’une douzaine d’années s’approvisionne dans les marchés très tôt le matin avant de rejoindre les boulevards, carrefours et intersections. « J’ai arrêté les études après avoir échoué au Certificat d’études primaires (CEP). Mes parents n’ont pas voulu payer pour que je reprenne la classe », justifie le vendeur qui a trois ans d’expérience dans son activité. Selon lui, venir aux bords des routes lui permet de se nourrir et même parfois de dépanner ses parents quand il y a le besoin. À la question de savoir s’il n’a pas peur des risques liés aux dangers de la route, il répond par l’affirmative mais dit n’avoir pour le moment pas d’autre choix.
Sur une autre route en plein milieu de l’avenue “Bassawarga”, Balguissa et sa sœur, les têtes chargées de petites bassines, marchent à la recherche de clients. Elles vendent toutes deux du pain sucré et des gâteaux. Balguissa nous confie qu’elle est originaire de la ville de Koudougou et n’a pas été scolarisée. Elle est venue à Ouagadougou pour travailler chez une dame. Donc chaque jour sauf parfois le dimanche, elle quitte la maison de sa patronne le matin et ne rentre qu’au coucher du soleil. « Je peux marcher de Gounghin à l’hôpital Yalgado. Ça dépend des jours et de la clientèle », nous a dit la jeune fille qui s’exprime en langue mooré uniquement.
Dans l’univers de ces enfants devenus adultes par la force des choses, chacun a son histoire, sa motivation et ses réalités. Si certains enfants ou adolescents ne sont pas scolarisés, d’autres le font uniquement en période de vacances scolaires. C’est le cas de Issa Ouédraogo qui quitte sa maison à Ragnongo tous les matins. C’est aux alentours du boulevard Tensoba que nous l’avons retrouvé. Sac au dos et mains chargées, l’adolescent âgé de 14 ans seulement semble être habitué au commerce ambulant. Paradoxe !
Lui qui n’a certainement pas eu l’occasion de jouer comme son âge le voudrait propose des jouets en plastique aux passants. Chaque jour, il marche sans tenir compte des distances pour écouler son petit stock. Le petit Issa a dû entrer dans le commerce faute de moyens financiers. Il vend donc ces objets pour s’occuper en partie de lui-même. « J’ai commencé à être commerçant ambulant depuis la classe de 6e. C’est mon père qui m’avait donné un petit fonds de commerce à ce moment », indique cet autre marchand qui sera en classe de 3e l’année académique prochaine.
Dans les marchés et Yaars également
Tous les espaces publics sont propices pour faire de bonnes affaires. Dans les marchés et yaars se retrouvent de nombreux enfants vendeurs de petits articles. Soulahoudine Zidnaba, vendeur de coton-tiges, de mouchoirs en papier, de jouets et autres bricoles aide sa mère à écouler les articles de sa petite boutique. Il repère les jours de marché pour y proposer ses produits. Il est mardi, jour de marché à Katre Yaar, au secteur 46 de l’arrondissement 11.
Le jeune Zidnaba se faufile dans la foule avec son plat en inox qui lui sert de support pour ses articles. Il est accompagné de son collègue et ami qui semble être plus jeune que lui. Leur âge et leurs gabarits ne semblent pas être un frein pour leur activité. « Je suis habitué à venir dans les marchés pour vendre mes jouets. D’ici le soir j’irai au bord du goudron aussi pour voir », a-t-il lancé avec assurance. Par jour, il indique qu’il peut se faire un chiffre d’affaires entre 2 000 et 3 000 francs CFA.
Que dit la loi ?
La loi 028-2008/AN portant code du travail désigne toute personne âgée de moins de 18 ans comme enfant et stipule que l’âge minimum d’accès à tout emploi ne doit pas être inférieur à 16 ans. L’article 153 en son point 4 indique aussi que les travaux qui par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils s’exercent sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité de l’enfant sont interdits. Néanmoins, cette loi parle uniquement des enfants qui travaillent pour des employeurs. Pour le moment, aucun texte ne règlemente l’activité de ces enfants entrepreneurs qui sont à leur propre compte. Le décret portant détermination de la liste des travaux dangereux interdits aux enfants au Burkina Faso datant de 2009 quant à lui cite les petits commerces comme susceptibles d’exposer les enfants aux dangers de la rue tels que les accidents, la drogue...