SOUSTITRE
samedi 10 juillet 2021, par Jack
Depuis le mois de mai 2021, plusieurs étudiants burkinabè ont été renvoyés des universités publiques marocaines. D’autres attendent encore le verdict de leurs universités. Il leur est reproché d’avoir utilisé des attestations d’inscription non valables.
Poursuivre ses études supérieures à l’étranger est une tendance en pleine expansion au Burkina Faso. Aujourd’hui, plusieurs centaines d’étudiants burkinabè poursuivent leurs études universitaires hors du Burkina Faso grâce aux bourses offertes chaque année par des pays ou alors par leurs propres moyens. Mais ces derniers, dans leur quête de connaissances, font face parfois à plusieurs problèmes.
Ces problèmes qui étaient beaucoup plus l’apanage des boursiers, sont devenus ceux de certains étudiants inscrits à « titre privé ». Le pays mis en cause ici est le Maroc. Depuis le mois de mai, les étudiants burkinabè au Maroc sont confrontés à des difficultés : renvois en cours d’année, incapacité d’avoir accès à leurs résultats académiques. Du fait de cette situation, plusieurs d’entre eux ont été contraints de rentrer au pays et d’autres y sont toujours bloqués espérant une amélioration de la situation.
Il est à noter que, pour aller étudier au Maroc, il existe deux moyens : le premier est d’avoir
bénéficié d’une bourse et le second est d’y aller par ses propres moyens et de s’inscrire dans une université privée. Mais un troisième moyen est apparu, une sorte de « canal secret » par lequel les étrangers vont étudier au Maroc. Il consiste à obtenir une autorisation d’inscription délivrée par l’Agence marocaine de coopération internationale (AMCI), afin de s’inscrire dans une université publique à titre privé.
Un canal officieux pour s’inscrire dans le public à titre privé
Officiellement cela est impossible. En effet un étranger ne peut s’inscrire dans une université publique à moins d’être boursier. Les personnes souhaitant s’inscrire dans les universités à titre privé au Maroc passe le plus souvent par des agences qui elles, se tournent vers l’AMCI qui possèdent des entrées dans le public. Cette technique frauduleuse perdurerait depuis environ six ans.
Mais cette année la Maroc a décidé qu’il ne recevait aucun étudiant étranger d’aucun pays à cause du covid-19. La directrice du CIOSPB, Mme Lydia Rouamba confie à ce sujet que « pour faire partir nos boursiers c’était compliqué. Nous avons été l’un des premiers pays à déposer les dossiers de nos boursiers mais le Maroc nous avait dit qu’on devait attendre les autres pays. Puis le taux de contagion de la maladie à coronavirus s’est rapidement accru et ils ont décidé de tout fermer ».
Ainsi, aucun étudiant burkinabè ne pouvait être inscrit dans le public au Maroc cette année. Mais cette décision est intervenue alors que l’année académique avait déjà débutée ; c’est ainsi que plusieurs étudiants ayant emprunté ce canal secret ont été renvoyés de l’université en plein milieu d’année avec l’incapacité d’avoir accès à leurs résultats du semestre 1. D’autres par contre ont eu la chance de composer les deux semestres mais ignorent pour l’instant s’ils auront accès à leurs résultats.
Une curieuse omerta règne sur la question
Du coté des étudiants victimes, c’est pratiquement le silence radio, personne ne veut parler sous prétexte qu’on ( les agences de voyage) leur a demandé de garder le silence.
Une étudiante, une des rarissimes victimes ayant accepté de témoigner de façon anonyme, confie que tout a commencé à l’inscription. « Après mon bac j’ai décidé d’aller étudier au Maroc et pour faciliter les choses, j’ai choisi de passer par une agence. Mais, après on a décidé de passer par un autre intermédiaire. Il m’a demandé d’amener 2 millions pour les frais d’inscription. J’ai rassemblé les papiers tout ce qu’il fallait et je les lui ai remis. Après il m’a envoyer une attestation d’inscription mais la filière n’était pas celle que j’avais choisie, et l’intermédiaire m’a rassurée me disant que c’était ainsi et que je devais présenter cette inscription à l’ambassade lors de la demande de visa. C’est ce que j’ai fait et j’ai obtenu le visa. Ensuite je suis partie et je me suis inscrite dans l’université Hassan II de Casablanca. Tout se passait bien, mais à la fin du semestre, lors de la délibération des résultats, il m’était impossible d’y avoir accès. Puisqu’il faut savoir que chaque étudiant, pour accéder à ses résultats à un code qui lui est propre. On était plusieurs dans ce cas. Donc le lendemain nous nous sommes rendus à la scolarité pour savoir quel était le souci et là ils nous ont dit qu’il y avait un problème avec nos dossiers. On s’est rendus à l’AMCI et là-bas ils nous ont dit que c’était des inscriptions frauduleuses. Au final je n’ai pas eu mes résultats du semestre 1, je n’ai pas pu composer le semestre 2 et j’ai été contrainte de rentrer au Burkina. »
Quand on demande aux victimes si elles savaient que cette méthode était frauduleuse elles répondent toutes par la négative. Un autre étudiant exclu de l’université Caddy Ayadd Marrakech ayant lui aussi préféré garder l’anonymat confie qu’il n’était pas au courant que cela était officieux. « je viens de perdre une année comme cela, j’attends l’année prochaine pour m’inscrire dans une université privée »
Ils sont plusieurs dans le cas de ces deux derniers. Environ 200 Burkinabè auraient été inscrits de façon officieuse. Les moins chanceux ont perdu leur année et les autres sont toujours dans l’attente. Les agences par lesquelles sont passés ces étudiants présentent des taux de satisfactions de près de 100% mais sur le terrain le constat est tout autre.
Dans quelques jours, les résultats du Baccalauréat 2021 seront proclamés et plusieurs nouveaux bacheliers entreprendront les démarches pour aller étudier à l’étranger, la prudence doit donc être de mise.
Nado Ariane Paré (Stagiaire)
Lefaso.net