SOUSTITRE
mercredi 10 avril 2019, par Jack
Né d’un père couturier, Mohase Séoné n’imaginait sans doute pas suivre les pas de son géniteur. Lui qui est venu à Ouagadougou pour poursuivre ses études en chimie-biologie à l’Université, est aujourd’hui un jeune styliste d’une trentaine d’années, qui se fraye petit à petit un passage dans la mode burkinabè, tant ses créations sont appréciées. Zoom sur un styliste ambitieux qui « rêve de mieux habiller ses compatriotes. »
Bercé dès sa tendre enfance dans la mode, Mohase Séoné conciliait études et couture en Côte d’Ivoire. Au collège, le jeune élève habillait déjà ses camarades et ses professeurs, depuis l’atelier de couture de son père. Après avoir obtenu le BAC, il rentre au Burkina Faso où il poursuit ses études en chimie-biologie à l’Université de Ouagadougou. La couture est alors mise en stand-by.
Mais c’était sans compter avec la passion qui finira par prendre le dessus. « La première fois que j’ai fait la tenue de quelqu’un à Ouaga, c’était pour ma belle-sœur. Je voyais qu’elle ne s’habillait pas bien, donc je lui ai demandé de m’envoyer quelques pagnes pour que je lui fasse des tenues. Quand je l’ai fait, ses camarades ont apprécié ses tenues et ont cherché à me contacter. Mais à cette époque, ce sont les études qui m’intéressaient. Quand j’avais le temps, je confectionnais des habits pour les gens. Au fur et à mesure, ce que j’avais mis en veille à commencer à prendre le dessus. J’ai tenté de résister, mais finalement je me suis laissé emporter par la passion de la mode, ce qui a fait sombrer les études », explique le styliste.
Et à l’instar de sa belle-sœur, Mohase estimait que la plupart des personnes qu’il rencontrait n’étaient pas exigeantes sur leur habillement. Plusieurs préférant même s’habiller dans les friperies, parce que ayant du mal à trouver de bons couturiers pour leur confectionner leurs tenues.
Face à ce constat, il décide « d’apporter une touche particulière pour améliorer les choses », se consacre entièrement à la couture et fonde Mohase Design. Il suspend ses cours, alors qu’il était en troisième année, avec l’idée de les reprendre un jour.
Mais en attendant, voilà déjà 10 ans que Mohase fait le bonheur de ses nombreux clients. 10 ans et un parcours dont il n’est pas peu fier. Ayant débuté seul, il emploie aujourd’hui six personnes dans son atelier sis à la Zone 1. En plus de la confection sur mesure, Mohase Design, c’est aussi du prêt-à-porter avec à ce jour trois collections à son actif dont la dernière en date « Elégance » a été présentée lors des FAMA 2019. Ses créations sont même demandées hors des frontières du Burkina Faso. Malheureusement, il n’arrive pas encore à satisfaire la demande.
Le manque de personnel qualifié, un véritable frein…
Si tout semble aller pour le mieux, quelques difficultés viennent cependant freiner les ambitions du jeune styliste. Il s’agit notamment du manque de personnel qualifié. C’est ce qui d’ailleurs l’a amené à s’orienter vers le prêt-à-porter. « Quand on n’a pas de personnel adéquat et qu’on prend les tenues des clients qu’on doit confectionner, c’est difficile de tenir les délais. C’est pour pallier ce problème que je me suis lancé dans le prêt -à -porter. Avec ça, j’ai la latitude de ne pas être sous la pression des clients et je peux mieux m’exprimer. Je crée selon mon inspiration sans être sous la contrainte des rendez-vous manqués. J’ai de bons retours, même si je suis limité dans la production à cause du manque de personnel », nous confie-t-il. Il affirme donc travailler petit à petit à atteindre son objectif de mieux habiller les Burkinabè, en particulier les hommes à qui il apporte plus de couleur dans les tenues.
Une autre difficulté et non des moindres, c’est le manque de financement. « On a beau avoir les idées, quand on est limité financièrement, on ne peut pas réaliser tout ce qu’on veut. »
Qu’à cela ne tienne, Mohase vise loin : travailler à se faire un nom dans le prêt-à-porter au Burkina Faso et se lancer ensuite à la conquête du marché international à l’instar des grands noms de la mode africaine.
La couture, un métier qui fait vivre décemment…
Regrette-t-il d’avoir fait le choix de la couture au détriment de ses études ? A cette question, la réponse de Mohase est catégorique « Si c’était à refaire, je le referais. » Et pour cause, la couture, en plus d’être sa passion, lui permet de vivre décemment. « De nos jours, qui ne s’habille pas ? Et surtout la jeune génération veut s’habiller. Il y a des clients qui me disent, peu importe le prix, pourvu que ça soit bien fait. Quand on te dit cela, ça veut dire que les gens sont prêts à mettre le prix. Je ne regrette pas d’avoir mis mes études de côté. Je suis content d’avoir fait le choix de la couture. Je n’ai pas encore atteint ce que je veux, mais ça se dessine à l’horizon », avoue-t-il.
Et pour être toujours à la hauteur des attentes de ses clients, le jeune styliste affirme continuer à se former et ne pas dormir sur ses lauriers, car il a compris que c’est au prix d’un travail acharné qu’il réussira à se tailler sa place dans la mode burkinabè.
Justine Bonkoungou
Lefaso.net