vendredi 11 août 2017, par Pascal YE
Chaque 12 août, le monde marque une halte pour rendre hommage à la jeunesse à travers une journée internationale. Cette année, l’événement est célébré sous le thème « Contribution de la jeunesse à la construction de la paix ». A l’occasion de cette journée, nous avons rencontré Alfred Bewindin Sawadogo, jeune engagé au sein du Mouvement de réflexion sur les opportunités de développement/Burkina Faso (MROD/BF) dont il est le co-initiateur. Dans un entretien qu’il nous a accordé le jeudi 10 août 2017, il nous parle des ambitions de ce mouvement et invite la jeunesse à croire en son potentiel car « elle a du génie ». Lisez plutôt !
Lefaso.net : Présentez-vous à nos lecteurs.
A.S. : Je suis ingénieur d’Etat en télécommunications, co-initiateur du Mouvement de réflexion sur les opportunités de développement du Burkina Faso (MROD/BF). Je suis également auteur et conférencier en leadership et développement personnel. Enfin, je suis entrepreneur.
Lefaso.net : Parlez-nous un peu de ce mouvement dont vous êtes membre et de ce qui a prévalu à sa création.
A.S : Le MROD/BF est une structure de jeunes Burkinabè. Comme son nom l’indique, c’est un mouvement de réflexion sur les opportunités de développement du Burkina. C’est en un mot une tribune de réflexion, d’expression et de formation des jeunes Burkinabè. Pourquoi réflexion ? Réflexion, parce que premièrement le fondement d’une action mûrie est une bonne réflexion. Voilà pourquoi au sein du MROD/BF, nous prenons la peine de réfléchir sur les questions de développement. En matière de développement, il y a beaucoup de choses à comprendre et à appréhender. Raison pour laquelle au sein du MROD/BF, nous prenons la peine de réfléchir sur les questions de développement, d’approfondir notre réflexion sur des grandes questions telles que la bonne gouvernance, le concept de développement durable, etc.
C’est aussi une tribune d’expression parce qu’après avoir réfléchi, il s’agit pour nous membres de MROD/BF de porter le message au niveau de la jeunesse. C’est à dire de porter à l’opinion publique le fruit de notre réflexion. Et cela, à travers des conférences publiques, des conférences de presse et diverses activités.
Enfin, le MROD/BF est une tribune de formation de jeunes. Notre vision est de construire une jeunesse responsable, citoyenne et actrice du développement. Et pour que les jeunes soient des acteurs majeurs dans le processus de développement, il leur faut nécessairement des compétences. Car, Un jeune qui n’a aucune compétence, quelle que soit la dose de volonté qu’il a, ne peut être efficace dans le processus du développement. Raison pour laquelle nous prenons le temps de former les jeunes, essentiellement en entrepreneuriat et en leadership. Ces compétences vont donc leur permettre de s’intégrer véritablement dans le processus de développement.
Que-ce qui a prévalu la création de ce mouvement ? Deux raisons majeures justifient le lancement de MROD/BF. La première, la volonté d’amener un nouveau paradigme. Celui de ne plus s’inscrire dans cette dynamique de seulement critiquer l’action de nos dirigeants mais plutôt de proposer des solutions. La deuxième raison, c’est qu’aucun pays n’a pu se développer sans le concours de sa jeunesse.
De facto, nous avons voulu rassembler les jeunes autour d’une tribune où nous allons parler développement, marcher d’un même pas et parler d’une même voix. Je tiens à rappeler que le MROD/BF a été lancé précisément le 11 mars 2016. Nous avons une année et demie d’existence. Et à ce jour, nous comptons près de 200 membres. En tant que Mouvement international, nous avons des représentations un peu partout à savoir au Burkina, en Algérie, au Maroc, en France, aux États Unis et au Canada. L’idée, c’est de rassembler un maximum de jeunes étant à l’intérieur ou à l’extérieur pour travailler au développement du pays.
Lefaso.net : Et comment arrivez- vous à attirer les jeunes pour qu’ils adhèrent à votre mouvement ?
A.S. : Nous cherchons à mobiliser le maximum de jeunes, et pour ce faire, nous utilisons beaucoup les TIC (Technologies de l’information et de la communication, ndlr). Sachant que nous sommes la génération Facebook et WhatsApp, nous utilisons ces canaux afin de faire connaître la vision du mouvement.
Lefaso.net : Quelle est la situation actuelle du mouvement au Burkina ?
A.S. : Le mouvement est en train de faire son petit bonhomme de chemin au Burkina Faso. Pour preuve, il y a eu une grande conférence à l’Université libre du Burkina. Une première, il faut le noter. Et le thème s’intitulait« Comment lever des fonds pour financer son projet de création d’entreprise ». Au vu donc de la mobilisation des jeunes lors de cette conférence première, l’on peut dire que le mouvement avance.
Lefaso.net : La journée internationale de la jeunesse approche, à cet effet qu’avez-vous prévu au sein de votre mouvement ?
A.S. : Effectivement, le samedi 12 août, c’est la journée internationale de la jeunesse et en tant que jeunes, nous devons nous sentir concernés par cette journée. Cette journée doit être un tremplin de réflexion sur comment nous pouvons avancer dans notre quête de développement. Le message que je peux porter à l’endroit de la jeunesse dont je fais partie va s’articuler en trois points majeurs et concerne le rôle de la jeunesse dans le processus de développement. Il s’agit de la collaboration avec l’Etat, la création de richesses, la conception et l’exécution du développement à long terme.
Premier rôle de la jeunesse, collaborer avec l’Etat : c’est être dans une logique citoyenne, c’est-à-dire s’acquitter de ses devoirs et jouir de ses droits. C’est le premier rôle de la jeunesse. La nation est comme un orchestre dont l’Etat est le chef et la population, les instrumentistes. Et pour qu’il y ait une mélodie harmonieuse, il faut que chaque partie fasse son travail.
Ensuite, la jeunesse doit créer de la richesse. C’est fondamental. Le développement n’est pas une question de discours interminables, de débats politico-politiciens. Le développement est fondamentalement une question d’économie. Si nous voulons développer le Burkina, il faudra agir sur les leviers économiques. Et la voie royale par laquelle on peut créer de la richesse, c’est l’entrepreneuriat. Raison pour laquelle, nous accordons une place de choix à l’entrepreneuriat au sein de notre mouvement.
Troisième rôle de la jeunesse dans le processus de développement, la conception et l’exécution du développement à long terme. Le Burkina de demain repose entre nos mains, nous sommes la force de la nation. Et ce que sera le Burkina de demain, sera fonction de ce que nous aurons décidé maintenant. En tant que jeune, cherchons la compétence, la connaissance et préparons-nous à relever les défis de demain.
Lefaso.net : Revenons à la question de l’entrepreneuriat. Quel regard portez-vous sur l’entrepreneuriat des jeunes au Burkina Faso ?
A.S. : Disons que l’entrepreneuriat est en train de prendre son envol au Burkina. Nous ne sommes qu’au début parce que la plupart d’entre nous – ceux qui sont allés à l’école – avons été éduqués dans ce que j’appelle « la mentalité de la fonction publique ». L’entrepreneuriat a donc peiné à s’installer parce que justement cette mentalité était fortement ancrée. Maintenant, le constat révèle que cette dernière n’est pas la solution d’autant plus que la fonction publique est saturée.
Voyez vous-même, cette année nous avons plus de 900 000 candidats pour près de 11.000 postes pour les concours directs. Quelle que soit la volonté de l’Etat, il ne peut pas embaucher tout le monde. Il va de soi alors que la jeunesse se tourne résolument vers l’entrepreneuriat. Il y a différents fonds aussi bien publics que privés disponibles dont le programme d’autonomisation économique des jeunes et des femmes, et le programme Burkina start-up financé à hauteur de 10 milliards F CFA, lancés récemment par le gouvernement.
Lefaso.net : De plus en plus, les jeunes partent à l’extérieur pour les études et ne reviennent pas. Qu’est-ce que l’Etat doit faire pour inciter ces jeunes à rentrer pour créer de la richesse ?
A.S. : Pour trouver la solution à cela, il faut d’abord trouver les causes. Eh bien, les causes sont multiples. Il y en a qui restent pour des grilles salariales. A l’étranger, elles sont bien plus intéressantes qu’au pays. D’autres restent pour des raisons sociales. Trouver donc une solution pour les ramener au Burkina Faso serait trop dur parce que ces individus sont libres de rester ou de revenir. Mais ce que l’Etat peut prioritairement faire, c’est de créer les conditions favorables pour l’investissement.
C’est ce qui va encourager les compatriotes à venir investir. Mais, si les affaires sont toujours gangrénées par la corruption, le manque de transparence, le découragement s’installe. Donc, si les conditions sont réunies, il n’y a pas de raison qu’on ne vienne pas investir au pays après nos études.
Lefaso.net : Revenons à votre mouvement, le MROD/BF. Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?
A.S. : Comme toute organisation, nous rencontrons des difficultés. La difficulté la plus criante, c’est le manque de partenaires. J’interpelle à cet effet les médias pour qu’on puisse accompagner les associations de jeunes afin qu’elles soient plus visibles et avoir plus de crédibilité auprès des entreprises lors de demandes de fonds pour l’organisation d’événements.
Lefaso.net : Que répondez-vous à ceux qui soutiennent qu’on ne peut pas faire confiance aux jeunes car leur image est beaucoup associée à l’incivisme ?
A.S. : Je dirai qu’il ne faut pas voir la situation sous cet angle. Essayons de la voir sous un autre angle. C’est vrai qu’il y a eu une certaine montée de l’incivisme, mais mettre les jeunes justement au-devant est pour moi un remède de parer à cette montée de l’incivisme. Parce que, qui de mieux qu’un jeune pour inspirer un autre jeune et l’amener à s’inscrire dans une citoyenneté responsable ? Si l’on donne des postes de responsabilité à des jeunes, ceux-ci seront une inspiration pour les autres qui étaient tentés par l’incivisme, qui n’avaient pas de vision. Mettons les jeunes devant, ainsi ceux qui sont derrière pourront voir que c’est possible de faire de grandes choses
Lefaso.net : Parlons un peu de l’actualité. Comment avez-vous accueilli ce projet des parlementaires de la CEDEAO, du Tchad et de la Mauritanie qui veulent limiter les naissances à trois par femme ?
A.S. : C’est une question qui fait encore couler beaucoup d’encre et de salive. Ma position est celle-ci. La population n’est ni un avantage ni un inconvénient. La démographie galopante sera un avantage ou un inconvénient en fonction des conditions dans lesquelles on va encadrer cette démographie. Si la CEDEAO a une population nombreuse, éduquée et bien formée, elle a donc une main d’œuvre abondante. Et c’est un atout pour l’économie des pays.
Par contre, si elle a une population nombreuse, sans opportunités d’emplois, les jeunes vont se retrouver pour beaucoup dans le chômage et certains dans le banditisme. Cela est donc négatif. Fondamentalement, avoir une démographie galopante n’est pas en soi un problème. Le tout réside dans les conditions dans lesquelles cette démographie sera encadrée. Si on l’entoure de santé et d’éducation, cette population sera une force et non une faiblesse.
Lefaso.net : Un dernier message à l’endroit de la jeunesse.
A.S. : Je dirai à la population burkinabè de croire en elle-même. Voici fondamentalement ce à quoi j’appelle la jeunesse burkinabè. Parce qu’en nous, il y a beaucoup de talent, de génie. J’ai été en Algérie, en France, j’ai vu combien les Burkinabè sont brillants dans les différentes universités. Et même à Ouaga quand je me promène dans les rues, je vois à quel point les jeunes ont du talent et du génie. Tout ce qui reste, c’est de croire en nous, dominer nos peurs pour déployer notre potentiel. Lançons des projets, des initiatives et soyons confiants parce que c’est par nous que le Burkina va se développer. Nous sommes l’espoir.
Entretien réalisé par Herman F. Bassolé
Tambi Serge Pacôme Zongo (stagiaire)
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