Etudiante en Lettres modernes à l’université Joseph-Ki-Zerbo de Ouagadougou, la jeune Assétou Boundaoné a rajouté une corde à son arc : depuis son arrivée au Burkina Faso après l’obtention de son baccalauréat en Côte D’Ivoire, elle s’est lancée dans la confection de vêtements au crochet.
En cet après-midi nuageux de septembre 2024, Assétou Boundaoné, crochet en main, glisse entre ses doigts agiles le fil d’une pelote de laine. Comme un jeu d’enfant, elle va dans tous les sens avec son crochet qui donne forme peu à peu à un vêtement. Assise sur un tabouret, elle est en train de confectionner un pantalon en laine pour un client. Autour d’elle, des pelotes de laine multicolores non encore déballées et un sachet contenant d’autres bouts du pantalon sont déposés à terre. À seulement 24 ans, Assétou est bien plus qu’une étudiante en Lettres modernes à l’université Joseph-Ki-Zerbo. Elle est aussi une entrepreneure talentueuse qui a su transformer sa passion pour le crochet en une véritable activité.
Le crochet, Assétou l’a appris dès son plus jeune âge grâce à sa mère. Mais à l’époque, en faire une activité n’était pas encore au programme. Ce n’est qu’en 2019, après avoir obtenu son baccalauréat et après être arrivée au Burkina Faso pour poursuivre ses études, que l’ennui l’a poussée à se replonger dans cette activité. « Quand je suis arrivée ici, je m’ennuyais tellement… », raconte-t-elle.
« Les cours à l’université n’avaient pas encore commencé, et je ne savais pas comment occuper mon temps libre. Un jour, je me suis souvenue du crochet que j’avais appris avec ma mère et j’ai décidé d’acheter de la laine et un crochet », a-t-elle indiqué en entamant un nouveau motif de sa tenue. Après cette étape, rapidement, elle se prend au jeu et commence à créer des pièces de plus en plus élaborées. Ses premières créations sont postées sur TikTok, où elles rencontrent un succès. Encouragée par les réactions positives, Assetou décide de commercialiser ses œuvres et d’en faire une activité sérieuse.
Aujourd’hui, Assétou confectionne une grande variété de vêtements : des robes, des pulls, des ensembles pour hommes, femmes et bébés. Chaque pièce est unique et faite à la main, ce qui lui demande du temps et une grande minutie. « Certaines commandes peuvent prendre jusqu’à une semaine pour être terminées, selon la complexité du modèle et mon inspiration », explique-t-elle. Elle fait d’ailleurs comprendre que ce n’est pas une activité de masse, mais plutôt un travail d’artisanat qui demande patience et passion. Pendant ses premières années d’études, elle emportait souvent son crochet à l’université, travaillant sur ses pièces pendant les pauses entre les cours. « C’était un vrai défi de jongler entre mes études et les commandes », se souvient-elle. « Mais maintenant que j’ai obtenu ma licence en Lettres modernes, option Arts du spectacle, je peux me consacrer un peu plus à cette activité », fait-elle savoir.
La jeune fille précise la différence entre le crochetage qu’elle fait et tricotage. Selon elle, ce n’est pas la même chose. « Pour moi, j’utilise le crochet, donc je suis crocheteuse. Maintenant, le tricot, c’est avec les deux fers. Généralement, ça c’est plus pratiqué par les vieilles dames qui tricotent », a-t-elle précisé.
Le talent d’Assétou n’est pas passé inaperçu. Sa notoriété a pris un tournant décisif lorsqu’elle a conçu une tenue pour l’artiste ‘‘Latima’’ à l’occasion des Kundé 2024, les trophées de la musique burkinabè, qui lui ont apporté une grande visibilité. « C’est grâce à cette tenue que j’ai été découverte par un plus grand public », dit-elle avec reconnaissance. « Avant, j’étais un peu dans l’ombre, mais après les Kundé, j’ai commencé à recevoir plus de commandes », ajoute la crocheteuse.
Avec ses commandes parfois simultanées, la gestion de son temps devient un véritable challenge. « Parfois, je prends jusqu’à un mois pour tout terminer, car je fais tout à la main », déclare-t-elle. C’est pourquoi elle envisage d’ouvrir une boutique et d’embaucher du personnel quand elle aura plus de moyens. « Je ne pourrai pas tout faire seule éternellement », avoue-t-elle.
“Les vêtements en laine de plus en plus tendance”
Les créations en laine d’Assétou ne sont plus réservées à la vieille génération. « Aujourd’hui, tout le monde peut porter des tenues en laine. C’est vraiment tendance maintenant », affirme-t-elle avec enthousiasme. Ses vêtements se distinguent par leur qualité, mais aussi par leur durabilité. La jeune étudiante fait partie du lot de jeunes créatrices qui modernisent leurs connaissances apprises en famille. Avec son talent et sa créativité, elle redonne à la laine ses lettres de noblesse dans la mode contemporaine burkinabè. Ses créations, tout en étant intemporelles, s’inscrivent dans les tendances actuelles, prouvant que la laine n’est plus réservée aux “mamies”, comme on le voit d’habitude.
La laine, bien entretenue, peut durer longtemps, mais elle nécessite un soin particulier. Assétou prend toujours le temps d’expliquer à ses clientes comment entretenir correctement leurs vêtements en laine. « Il ne faut pas laver la laine en machine, mais à la main, en massant doucement le vêtement dans de l’eau savonneuse », conseille-t-elle. Et surtout, « ne pas l’étendre sur une corde à linge, sinon elle s’étire. Il faut la faire sécher à plat. »
Bien que la demande pour ses créations soit en croissance, Assétou doit faire face à certaines réticences de la part de ses clients. « Les gens trouvent parfois mes prix élevés », explique-t-elle. « Mais je leur dis que c’est fait à la main et que cela demande beaucoup de temps. C’est un travail artisanal ». Les prix varient en fonction de la taille et du modèle, mais chaque pièce est conçue avec soin et passion, ce qui justifie son coût. Malgré les défis, Assétou voit grand pour l’avenir. Elle prévoit de s’inscrire en master, tout en continuant son activité de crocheteuse. « Je ne vais pas abandonner le crochet, c’est une passion », affirme-t-elle.
Encouragée par ses proches, notamment son père qui suit ses progrès à travers les publications sur TikTok, Assétou continue de tisser ses rêves avec détermination. « Mon père m’envoie toujours des messages de soutien après avoir vu mes créations, cela me touche beaucoup », confie-t-elle.
Ainsi, au fil de ses créations, Assétou Boundaoné tisse non seulement des vêtements, mais aussi l’avenir d’un art en plein renouveau. Ses ambitions sont grandes, mais son travail acharné et sa culture de la patience sont les fils conducteurs sur lesquels elle compte pour arriver au succès.